«La décision est définitive.» Par ces mots, la Cour européenne des droits de l'homme a mis fin brutalement à des mois de lutte juridique. Mais n'a désigné aucun gagnant. Tous les protagonistes de cette histoire d'une tristesse infinie sont perdants. Comme chaque fois qu'il s'agit de définir la frontière fragile de l'acharnement thérapeutique.
Charlie Gard a 10 mois. Il est né le 4 août atteint d’une maladie mitochondriale (de son nom technique MMDR), une maladie génétique rarissime. Il souffre de la forme RRM2B, la plus grave de toutes. Seuls 16 enfants au monde seraient atteints de cette forme spécifique. Son cerveau, ses muscles et ses capacités respiratoires sont gravement touchés. Il est sourd et souffre d’une forme aiguë d’épilepsie. Son cœur, son foie et ses reins sont aussi affectés. Sa capacité musculaire diminue progressivement et il ne peut ni bouger ni respirer sans aide extérieure. Nul ne peut dire s’il souffre.
Traitement expérimental
Sur le papier, la qualité de vie de Charlie est terrible et, selon les médecins et spécialistes, aucun espoir d’amélioration n’est envisageable. Chris Gard et Connie Yates, les parents de Charlie, n’acceptent pas ce diagnostic et voulaient emmener leur fils aux Etats-Unis pour qu’il y subisse un traitement expérimental, une thérapie nucléoside.
Le Great Ormond Street Hospital de Londres, qui prend soin de Charlie depuis sa naissance, s'y est opposé. D'abord parce que l'état du bébé s'est aggravé et que ce type de traitement n'a «même pas encore atteint le stade expérimental sur des souris, et encore moins sur des humains dans le cas particulier de la forme MDDS» dont souffre Charlie. Et par ailleurs, l'hôpital, appuyé par plusieurs spécialistes extérieurs, a estimé que tout traitement n'apporterait aucune amélioration mais risquait de faire souffrir Charlie. L'hôpital avait suggéré de suspendre l'aide respiratoire pour permettre à Charlie de s'éteindre.
Chris Gard et Connie Yates ont combattu, en vain, cette décision devant les trois instances de la justice britannique, avant de se tourner en dernier recours vers la Cour européenne des droits de l'homme. Cette dernière a soutenu «à la majorité et en substance» l'approche des tribunaux britanniques et jugé «irrecevable» l'appel des parents. La CEDH a estimé que Charlie était vraisemblablement «exposé à des souffrances et une angoisse continues» et qu'un traitement supplémentaire «sans aucune perspective de succès […] ne serait d'aucun bénéfice».
Retrait de l’aide respiratoire
Les parents de Charlie avaient réussi à lever 1,3 million de livres (1,5 million d'euros) sur une plate-forme de crowfunding pour financer un éventuel traitement aux Etats-Unis. Ils avaient prévenu que cette somme serait consacrée à un organisme de recherche sur les maladies mitochondriales si Charlie «n'avait pas sa chance».
Le Great Ormond Street Hospital a indiqué que sa priorité était désormais d'«apporter aux parents de Charlie tout le soutien possible pour préparer les étapes suivantes». Les étapes seront, sans aucun doute, le retrait de l'aide respiratoire apportée à Charlie. Mais l'hôpital a souligné qu'il n'y aura «aucune urgence à modifier les soins apportés à Charlie» et que toute décision sur la suite sera prise après des «consultations et une préparation attentives». Chris Gard et Connie Yates devaient s'entretenir ce mercredi avec l'hôpital.