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Ordinateur quantique : cinq questions pour (enfin) tout comprendre

L'ordinateur quantique, qui utilise des propriétés surprenantes de la matière à l'échelle de l'infiniment petit, promet de révolutionner le calcul. Quand ces machines seront-elles au point ? Pour faire quoi exactement ? La France est-elle bien placée dans cette course au Graal quantique ? Le point dans CQFD.

L'ordinateur quantique, qui exploite notamment le principe de « superposition », est un défi à développer.
L'ordinateur quantique, qui exploite notamment le principe de « superposition », est un défi à développer. (Shutterstock)

Par Leïla Marchand

Publié le 15 juin 2021 à 13:44Mis à jour le 15 juin 2021 à 19:43

C'est une machine qui défie l'imagination. Exploitant des propriétés étranges de la matière à l'échelle de l'infiniment petit. Et capable de résoudre en quelques minutes des calculs insolubles aujourd'hui. L'ordinateur quantique fait rêver les physiciens et aiguise aussi les appétits de beaucoup d'acteurs privés, à commencer par Google, IBM ou Atos.

Les Etats se sont également lancés dans cette course au Graal quantique, comme la France avec son plan quantique à 1,8 milliard d'euros. Le point sur ce qu'il faut savoir de cette technologie prometteuse et de ses enjeux.

1 - Comment fonctionne un ordinateur quantique ?

Un ordinateur quantique est l'équivalent d'un ordinateur classique, sauf que ses calculs sont effectués à l'échelle atomique. Il se base sur les lois de la physique quantique, qui s'intéresse au comportement de la matière et de la lumière au niveau microscopique.

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A cette échelle, des phénomènes étranges, totalement contre-intuitifs, se produisent : un objet peut être dans plusieurs états tant qu'on ne l'a pas mesuré (c'est le principe de superposition quantique) et deux objets peuvent s'influencer même en étant séparés d'une grande distance (le principe de l'intrication quantique).

Ainsi, alors que l'ordinateur classique fonctionne avec des « bits », des informations stockées de manière binaire (avec des 0 et des 1), un ordinateur quantique fonctionne avec des « qubits », constitués de superpositions d'états entre 0 et 1. En bref, au lieu d'explorer un à un chacun des chemins, un ordinateur quantique est capable d'explorer tous les chemins en même temps. Et donc de calculer beaucoup plus rapidement.

2 - Quelles sont les promesses de l'ordinateur quantique ?

Graal de l'informatique, l'ordinateur quantique serait capable de traiter des masses de données gigantesques et de réaliser des opérations dépassant l'imagination. Google prétend ainsi avoir mis au point un processeur capable de mener une opération en trois minutes, là où le plus avancé des ordinateurs actuels aurait mis 10.000 ans.

Ce type d'ordinateur pourrait notamment « utiliser l'algorithme de Shor, qui permet de casser le système de cryptographie de type RSA, le système qui sécurise couramment nos communications sur internet », souligne Nicolas Sangouard, directeur de recherche du CEA à l'Institut de Physique Théorique au CEA-Paris-Saclay.

Inventer des molécules, optimiser la logistique… Partout où des calculs complexes sont en jeu, de la finance à l'industrie, l'ordinateur quantique permettrait de changer la donne. Surtout qu'en cours de route, d'autres applications du quantique sont en train de se concrétiser, comme celles des communications quantiques ou des capteurs quantiques.

L'un des domaines prometteurs est la simulation de nouveaux matériaux. « L'ordinateur quantique pourrait nous permettre de fabriquer un matériau supraconducteur à température ambiante, et donc de transférer de l'électricité sans perte, ce qui serait une avancée incroyable », avance par exemple Nicolas Sangouard, ou encore de concevoir un catalyseur qui permet de convertir l'azote en ammoniaque à température ambiante, et donc « de fabriquer des engrais azotés en utilisant très peu d'énergie », une révolution pour l'agriculture.

3 - De tels ordinateurs verront-ils le jour ?

Beaucoup de scientifiques en sont convaincus, quand d'autres émettent plus de réserves, au vu des défis technologiques à relever. Les états quantiques sont extrêmement fragiles, le fait même de les observer les perturbe. Pour manipuler les qubits, il faut ainsi généralement utiliser des atomes froids, piégés et refroidis par laser (à une température frisant les -273 °C, le zéro absolu), ce qui nécessite un matériel encombrant.

Plus il y a de qubits, plus il est difficile de tous les contrôler. Cela conduit à des erreurs dans les systèmes de calcul. « La montée en échelle reste un défi en soi », insiste Nicolas Sangouard. Or pour faire tourner l'algorithme de Shor, par exemple, il faudrait pouvoir contrôler des milliers de qubits.

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L'ordinateur quantique universel n'est donc pas pour demain, mais « si on continue d'y investir autant d'argent et autant d'énergie, on en aura un », soutient-il. « Mais aura-t-on la patience d'investir autant pendant encore quinze ou vingt ans ? »

4 - Où en est-on actuellement dans cette course ?

Ce que l'on sait faire aujourd'hui, ce sont de petits prototypes. « Une dizaine ou une vingtaine de qubits sont disponibles via le cloud et les plus grosses machines sont de l'ordre d'une centaine de qubits », résume le scientifique.

Certaines grandes compagnies comme IBM mettent ainsi à disposition en ligne « de petits ordinateurs quantiques ». « Les théoriciens comme moi ont la possibilité de leur donner des algorithmes intéressants à faire tourner », explique le scientifique. En revanche, Google réserve généralement ses machines à ses employés.

Des instituts comme le CEA tentent aussi de développer leur propre machine. « Une des options envisagées est d'acheter des petites machines développées par les start-up et d'essayer de les combiner avec des ordinateurs classiques, déjà très puissants, afin de les booster », précise-t-il.

5 - Qui sont les principaux acteurs de cette course quantique ?

La Chine mène la danse, grâce à « des investissements colossaux réalisés depuis une dizaine d'années ». « Ils sont vraiment à la pointe, par exemple dans le domaine des communications quantiques où ils ont réalisé de la cryptographie par satellite, ce que personne d'autre ne sait encore faire », souligne Nicolas Sangouard.

Les GAFA sont également bien avancés dans cette course. « On les a vus commencer à investir dans des centres de recherche d'une centaine de personnes qui leur coûtent des dizaines de millions par an », note le chercheur.

Enfin, l'Europe a commencé à sortir de sa torpeur. Au total, elle prévoit d'investir au moins 4,5 milliards d'euros d'ici à 2027 dans les technologies quantiques. Les Etats membres se lancent aussi dans des efforts individuels.

Dernier exemple en date, la France a annoncé mi-janvier qu'elle compte investir 1,8 milliard d'euros en cinq ans dans les nouvelles technologies quantiques. « J'espère vraiment que ce plan permettra de combler une partie de son retard », souligne le scientifique. Elle peut déjà compter sur ses nombreux spécialistes reconnus du quantique, dont plusieurs prix Nobel.

Leïla Marchand

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